Dans une plainte antitrust déposée auprès des autorités antitrust de l'Union européenne en 2020, Slack a allégué que Microsoft regroupe injustement Teams avec Office 365 et a demandé que les autres éditeurs de logiciels d'entreprise aient un accès plus large à ses API. Le refus de la firme de Redmond de laisser d'autres produits et services logiciels d'entreprise s'intégrer à Teams, une pratique très courante dans les logiciels d'entreprise modernes, est un élément clé de la plainte antitrust déposée par Slack contre Microsoft auprès de l'UE. Slack a affirmé que Microsoft "abuse de sa position dominante sur le marché pour barrer la route à la concurrence".
Soulignant l'énorme part de marché dont bénéficie Microsoft pour sa suite de productivité Office 365 en Europe, Slack a affirmé que le comportement de Microsoft est en violation du droit européen sur la concurrence. « Slack menace l'emprise de Microsoft sur la messagerie professionnelle, la pierre angulaire d'Office, ce qui signifie que Slack menace le verrouillage de Microsoft sur les logiciels d'entreprise », a déclaré à l'époque Jonathan Prince, vice-président des communications et de la politique chez Slack. Selon des sources au fait du dossier, l'affaire qui semblait avoir été mise en sourdine depuis un moment pourrait refaire surface très prochainement.
Politico a rapporté mercredi que les autorités antitrust de l'UE envisagent d'ouvrir une enquête sur Teams, citant quatre personnes au fait du sujet. La Commission de l'UE devrait bientôt communiquer les griefs exposant les problèmes de concurrence liés au comportement de Microsoft. En outre, selon les personnes interrogées par Politico, ces dernières semaines, la Commission aurait envoyé des demandes à ses rivaux et à ses clients concernant les preuves qu'elle envisage d'utiliser. Les analystes, ces demandes d'"accès au dossier" sont souvent un prélude à l'envoi d'objections après le lancement d'une enquête formelle.
Un porte-parole de la Commission a déclaré que "l'évaluation de la plainte est en cours". En effet , l'utilisation de Teams a grimpé en flèche ces dernières années, en grande partie grâce au passage au travail à domicile provoqué par la pandémie. Slack a également connu une croissance au cours de cette période, mais en avril 2020, Microsoft a déclaré que 75 millions de personnes utilisaient Teams chaque jour, alors que Slack comptait 13 millions d'"utilisateurs simultanés quotidiens" en mars dernier. Slack souhaite que la Commission européenne sépare Teams de l'offre groupée Office 365 et exige de Microsoft qu'elle fasse payer Teams.
À ce propos, Microsoft prévoit de lancer Teams Premium, une version payante de Teams destinée aux entreprises, en février 2023 et des fonctionnalités actuellement accessibles à tous seront désormais payantes. Les fonctionnalités de l'application qui passeront des licences Teams aux licences Teams Premium comprennent : les sous-titres traduits en direct, les marqueurs temporels dans les enregistrements de réunions Teams pour indiquer quand un utilisateur a quitté ou rejoint une réunion, les notifications par SMS, les analyses organisationnelles dans le centre d'administration de Teams, la vue des files d'attente planifiées, etc.
Pour les personnes qui utilisent actuellement ces fonctionnalités, mais n'ont pas envie de s'abonner, il y aura une période de grâce pendant laquelle les fonctionnalités resteront disponibles pour tous. Microsoft explique : « lorsque Teams Premium sera généralement disponible à l'achat, il y aura une période de grâce de 30 jours pour que les administrateurs puissent acheter Teams Premium. Après cette période, les utilisateurs perdront l'accès aux fonctionnalités précédemment disponibles dans Teams sans le module complémentaire Teams Premium, à moins que l'administrateur n'achète et n'attribue des licences Teams Premium à ses utilisateurs ».
Slack, Box, Dropbox, Google et d'autres éditeurs de logiciels d'entreprise ont fait de l'intégration entre leurs produits une priorité absolue, estimant que les utilisateurs veulent avoir la liberté d'intégrer différents outils tout en continuant à choisir les produits les plus pertinents pour leur activité. Toutefois, Microsoft n'a pas accepté de fournir le même niveau d'accès API à Teams que celui qui est communément accordé sur le marché. « Leurs API publiques sont juste suffisantes pour créer un produit minimum, mais pas pour créer l'expérience que nos clients communs veulent », a déclaré David Schellhase, avocat général chez Slack, en 2020.
Les avocats de Slack ont fait valoir dans la plainte que Microsoft abuse de sa position sur le marché des applications de bureautique en regroupant Teams gratuitement avec les abonnements payants à Office 365. « Si vous examinez l'impact concurrentiel, du comportement de vente liée entre Teams et Office et les logiciels connexes intégrés dans Office 365 et Microsoft 365, il faut, comme la Commission européenne le fera sûrement, tenir compte de la vue d'ensemble du pouvoir de marché de Microsoft sur le marché des logiciels d'entreprise », a déclaré Trevor Soames, avocat européen spécialisé dans la propriété intellectuelle représentant Slack.
Microsoft s'était défendue en déclarant : « nous avons créé Teams pour combiner la capacité de collaborer avec la capacité de se connecter par vidéo, parce que c'est ce que les gens veulent. Avec la Covid-19, le marché a adopté Teams en nombre record alors que Slack souffrait de l'absence de la vidéoconférence. Nous nous sommes engagés à offrir aux clients non seulement la meilleure innovation, mais aussi une grande variété de choix dans la façon dont ils achètent et utilisent le produit. Nous sommes impatients de fournir des informations supplémentaires à la Commission et de répondre à toutes les questions qu'elle pourrait se poser ».
Il faut noter que quelques mois avant sa plainte en 2020, le PDG de Slack, Stewart Butterfield, avait déclaré que Teams n'était pas un concurrent de Slack. Butterfield avait révélé qu’au sein de sa structure, ils estiment que : « Microsoft a peut-être la préoccupation malsaine de chercher à nous tuer, et Teams est le véhicule pour le faire ». Il a rappelé que Slack a évidemment ses propres fonctionnalités d'appel vocal et vidéo, mais que ce n'est pas l'objectif principal de l'application, et souvent, les entreprises intègrent Zoom ou WebEx de Cisco à la place. Pendant la pandémie, Microsoft a déplacé les entreprises de Skype Entreprise vers Teams.
Par ailleurs, Microsoft est également la cible d'autres plaintes antitrust déposées par des fournisseurs de services de cloud computing concernant les conditions de licence et les pratiques de vente liée présumées pour son service Azure. En novembre dernier, un groupe commercial européen représentant 24 fournisseurs d'infrastructures cloud en Europe a déposé une plainte auprès de la Commission européenne au sujet des licences de logiciels dans le cloud accordées par Microsoft.
La plainte, déposée par le groupe "Cloud Infrastructure Service Providers in Europe" (CISPE) à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, faisait suite à une plainte distincte déposée par deux de ses membres, OVHcloud et l'entreprise d'hébergement italienne Aruba. OVHcloud et Aruba allèguent également que le comportement de Microsoft est anticoncurrentiel.
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