
et a traité le patron de sa division IA de « profiteur de guerre »
Lors de la célébration du 50ᵉ anniversaire de Microsoft, des employés ont publiquement contesté les liens de l'entreprise avec l'armée israélienne, entraînant le licenciement de l'une des protestataires. Ibtihal Aboussad, ingénieure logicielle au sein de l'équipe AI Platform depuis plus de trois ans, a interrompu la présentation de Mustafa Suleyman, PDG de Microsoft AI. Elle l'a accusé d'être un « profiteur de guerre » et a exhorté l'entreprise à cesser d'utiliser l'intelligence artificielle à des fins génocidaires. Avant d'être escortée hors de la salle, elle a lancé un keffieh sur la scène, en symbole de solidarité palestinienne. Microsoft a réagi rapidement. Aboussad a été licenciée dans la foulée pour comportement inapproprié en contexte professionnel. Quant à Agrawal, sa démission (déjà en cours) a été précipitée.
Contexte
Cet épisode intervient alors que plusieurs enquêtes journalistiques ont révélé que des technologies d’intelligence artificielle développées par Microsoft et sa filiale OpenAI ont été utilisées par Tsahal (l’armée israélienne) pour sélectionner des cibles lors de frappes militaires dans la bande de Gaza. Ces révélations ont soulevé de vives préoccupations au sein du personnel.
Aboussad, qui travaille au siège canadien de Microsoft à Toronto, a été invitée lundi à un appel avec un représentant des ressources humaines au cours duquel elle a appris qu'elle était licenciée immédiatement, selon le groupe de défense No Azure for Apartheid, qui a protesté contre la vente de la plateforme cloud computing Azure de Microsoft à Israël.
Licenciement chez Microsoft : une ingénieure proteste contre l’usage militaire de l’IA lors d’un événement interne
Microsoft a licencié l'un des employés qui avaient perturbé l'événement organisé à l'occasion du 50e anniversaire de la société. Microsoft a annoncé à Ibtihal Aboussad qu'il avait été mis fin à son emploi en raison « d'actes de mauvaise conduite ».
Aboussad était l'une des deux manifestantes qui ont interrompu l'événement du 50e anniversaire de Microsoft vendredi en qualifiant le PDG de Microsoft chargé de l'IA, Mustafa Suleyman, de « profiteur de guerre » et en demandant à Microsoft de « cesser d'utiliser l'IA pour le génocide dans notre région ». Une deuxième manifestante, Vaniya Agrawal, a interrompu le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, l'ancien PDG Steve Ballmer et le PDG de Microsoft, Satya Nadella, plus tard au cours de l'événement. Elle a rappelé le rôle controversé de Microsoft dans la fourniture d’infrastructures cloud et de solutions IA à des entités gouvernementales impliquées dans des conflits.
Les deux employés de Microsoft ont également envoyé des courriels distincts à des milliers de collègues, appelant Microsoft à mettre fin à ses contrats avec le gouvernement israélien.
« Plus tôt dans la journée, vous avez interrompu un discours du PDG de Microsoft AI, Mustafa Suleyman, lors de l'événement du 50e anniversaire de la société à Redmond, Seattle, en criant et en pointant du doigt le PDG devant un public de milliers de personnes, et en lançant des accusations hostiles, non provoquées et très inappropriées contre le PDG, la société et Microsoft en général », indique l'e-mail adressé à Ibtihal Aboussad. « Alors que le PDG est resté calme et a tenté de désamorcer la situation, votre comportement a été si agressif que vous avez dû être escorté hors de la salle par la sécurité ».
Dans son courriel envoyé à ses collègues après l'interruption, Aboussad a expliqué :
« Lorsque j'ai rejoint AI Platform, j'étais enthousiaste à l'idée de contribuer à la technologie de pointe de l'IA et à ses applications pour le bien de l'humanité : produits d'accessibilité, services de traduction et outils pour "permettre à chaque être humain et à chaque organisation d'accomplir davantage". Je n'ai pas été informée que Microsoft vendrait mon travail à l'armée et au gouvernement israéliens, dans le but d'espionner et d'assassiner des journalistes, des médecins, des travailleurs humanitaires et des familles civiles entières. Si j'avais su que mon travail sur les scénarios de transcription permettrait d'espionner et de transcrire des appels téléphoniques pour mieux cibler les Palestiniens (source), je n'aurais pas rejoint cette organisation et contribué à un génocide. Je n'ai pas signé pour écrire un code qui viole les droits de l'homme.
« Selon AP news, il existe "un contrat de 133 millions de dollars entre Microsoft et le ministère israélien de la Défense". "L'utilisation par l'armée israélienne de l'intelligence artificielle de Microsoft et d'OpenAI a grimpé en mars dernier à près de 200 fois plus qu'avant la semaine précédant l'attaque du 7 octobre. La quantité de données stockées sur les serveurs Microsoft a doublé entre cette date et juillet 2024, pour atteindre plus de 13,6 pétaoctets" ».
Aboussad a été licenciée par Microsoft Canada, tandis qu'Agrawal a été renvoyée peu après avoir donné son préavis de deux semaines avant la manifestation de vendredi. Les deux manifestants sont associés à No Azure for Apartheid, un groupe d'employés de Microsoft qui se mobilise contre les contrats de l'entreprise avec Israël.
« La société a conclu que votre mauvaise conduite avait pour but de gagner en notoriété et de perturber au maximum cet événement très attendu », peut-on lire dans l'e-mail adressé à Aboussad. « Il est également préoccupant que vous n'ayez pas présenté d'excuses à la société et que vous n'ayez en fait montré aucun remords pour l'effet que vos actions ont eu et auront. »
Des documents révèlent que l'armée israélienne est l'un des principaux clients de Microsoft dans le domaine de l'IA et du cloud
Microsoft serait l'un des principaux fournisseurs de services cloud et d'IA de l'armée israélienne. L'utilisation des services de Microsoft par Israël aurait augmenté de façon spectaculaire dans les mois qui ont suivi l'attaque du Hamas 7 octobre 2023. Des documents divulgués révèlent que Microsoft a conclu des contrats d'au moins 10 millions de dollars pour fournir des milliers d'heures d'assistance technique pendant la guerre à Gaza.
Ces documents ont été obtenus par le média Drop Site News. Ils ont fait l'objet d'une enquête approfondie de la part du média britannique The Guardian, qui a collaboré avec la publication israélo-palestinienne +972 Magazine et un média en hébreu, Local Call. L'enquête s'appuie également sur des entretiens avec des sources issues de l'ensemble de l'establishment des forces de défense (Tsahal) et des services de renseignement israéliens.
Elle offre une vision interne de la manière dont Microsoft a approfondi ses relations avec l'armée israélienne après le 7 octobre 2023. Après avoir lancé son offensive sur Gaza en octobre 2023, Israël a été confronté à une hausse soudaine de la demande de stockage et de puissance informatique.
Cette situation a amené l'État hébreu à développer rapidement son infrastructure informatique en signant des contrats avec les Big Tech. Selon les révélations de l'enquête, l'armée israélienne a ainsi adopté ce qu'un commandant a décrit comme « le monde merveilleux des fournisseurs de services cloud ».
Selon les documents, l'armée israélienne a exploité une série de services cloud de Microsoft pour soutenir ses opérations en cours, en particulier la plateforme de cloud computing Azure. Azure fournit une série d'applications et de services aux clients. Ses composants les plus importants sont le calcul et le stockage, qui permettent aux utilisateurs de traiter et de stocker des quantités considérables de données sur des serveurs hébergés dans le monde entier.
Plus récemment, Microsoft a ajouté les grands modèles de langage (LLM) d'OpenAI à sa suite d'offres Azure. Regroupés, ces services constituent le cœur des services que l'armée israélienne a achetés à Microsoft. Parmi les services les plus utilisés, la traduction et le service Azure OpenAl (un service d'entreprise basé sur la même technologie que ChatGPT) représentent à eux deux près de 75 % de l'utilisation totale. Les services vocaux représentent le reste.
Un signal fort pour les professionnels du secteur
Ces événements interviennent dans un contexte tendu pour l'industrie de l’IA. Des enquêtes récentes ont révélé que certaines technologies, issues de partenariats entre Microsoft et OpenAI, auraient été intégrées dans des systèmes de ciblage militaire. Cette perspective soulève de profondes questions sur la responsabilité des ingénieurs, la traçabilité des usages finaux des algorithmes, et le rôle des géants du numérique dans les conflits contemporains.
Au-delà de la portée politique, cette affaire met en lumière une tension croissante au sein des équipes techniques : les développeurs, ingénieurs IA et data scientists revendiquent de plus en plus leur droit à un regard éthique sur l’usage des technologies qu’ils construisent. Plusieurs voix s’élèvent pour réclamer l’intégration de clauses de « morale d’usage » dans les contrats d’entreprise, ou encore la création de comités d’éthique indépendants.
Pour les professionnels de l’informatique, cet épisode souligne une réalité : l’impact du code dépasse largement le cadre technique. La question de l’accountability — responsabilité technologique et morale — devient centrale dans un secteur où l’IA évolue plus vite que le cadre juridique qui l’entoure.
Source : No Azure for Apartheid
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