
Pour passer au libre et à l’open source
Solutions logicielles libres et non Microsoft ? La dernière annonce de l’Etat allemand du Schleswig-Holstein relative à l’abandon de Microsoft Teams pour une solution libre n’est pas une nouveauté. Les cas de la municipalité de Munich et de l’État fédéré de Basse Saxe en Allemagne l’illustrent. Une municipalité turque a dédlaré avoir fait des économies d'1 million de dollars sur les coûts des licences Windows dans le cadre de sa migration vers Linux Pardus, ce, même s’il y a eu quelques goulots d’étranglement. En effet, d’une initiative à l’autre, des points communs émergent : hésitations, rétropédalages de Linux à Windows. Quelles raisons expliquent ces échecs d’abandon des solutions Microsoft pour le libre et l’open source ? Supériorité des solutions Microsoft ? Lobbying pro Microsoft ?
L’État allemand du Schleswig-Holstein a lancé cette politique dès 2024. Ce Land a d’abord migré vers LibreOffice, puis amorcé une transition complète vers Linux sur 30 000 postes de travail. L’initiative fait suite à celle de la ville de Munich, dont le projet LiMux avait échoué par manque de coordination et de soutien politique durable.
Pour mémoire, en 2017, le conseil municipal de Munich a pris la décision d’abandonner LiMux, la distribution de Linux créée spécialement pour la ville, afin d’adopter pleinement Windows 10. Les élus de la ville avaient, à l’époque, voté à une majorité de 50 contre 25 la migration de l’ensemble des postes alors sous Linux vers Windows 10. Après Munich, en 2018, une importante migration de Linux vers Windows a été annoncée en Basse-Saxe, un État fédéré d'Allemagne.
Les autorités ont expliqué qu’un grand nombre des agents de terrain et des services de support téléphonique du Land utilisait déjà Windows et que de ce fait, il paraissait tout à fait logique de procéder à une standardisation. « L'unification des systèmes de postes de travail existants simplifiera les procédures et facilitera le développement logiciel pour le réseau KONSENS », a expliqué un porte-parole du ministère des Finances de la Basse-Saxe.
Le Danemark vient de prendre une décision similaire
La responsable du ministère danois de la numérisation a déclaré que son département allait se détacher de Microsoft, en commençant par LibreOffice.
Dans une interview accordée au journal danois Politiken, Caroline Olsen, la ministre des Affaires numériques du pays, a déclaré qu'elle envisageait de montrer l'exemple et de commencer à supprimer les logiciels et les outils Microsoft du ministère. La ministre a déclaré au quotidien danois Nordyske de Jutland qu'il était prévu que la moitié des ordinateurs du personnel (y compris le sien) soient équipés de LibreOffice à la place de Microsoft Office 365 dès le premier mois, l'objectif étant de procéder à un remplacement total d'ici la fin de l'année.
Étant donné qu'au début de l'année, le président américain Donald Trump a évoqué à plusieurs reprises la possibilité de la prise de contrôle du Groenland, un territoire autonome du Danemark, il semble tout à fait compréhensible que le pays s'intéresse nettement plus à la souveraineté numérique comme l'a expliqué le gourou danois de Ruby, David Heinemeier Hansson, plus tôt ce mois-ci :
« La récente mise à l'écart du procureur général de la CPI, sur ordre de l'administration américaine, n'aurait pas pu arriver à un pire moment pour Microsoft. Un mois auparavant, les responsables de Redmond avaient tenté d'assurer à l'Europe que tout allait bien. Que toute spéculation sur le fait que les Européens pourraient être coupés de l'infrastructure numérique critique n'était que peur, doute et incertitude. Puis, tout ce que les Européens craignaient de voir arriver s'est produit à La Haye. Oups !
« Les assurances de Microsoft se sont heurtées à la réalité et c'est la réalité qui l'a emporté.
« Cette réalité, c'est que toutes les administrations américaines ont le pouvoir de déconnecter n'importe quel individu, entreprise ou gouvernement étranger de l'infrastructure numérique fournie par les grandes entreprises américaines. En ce sens, il est donc inutile de blâmer Microsoft pour le pouvoir de sanction dont est investi le Bureau ovale. Mais nous pouvons certainement lui reprocher d'avoir enfumé l'Europe sur les risques.
« Ce qui est plus important que l'attribution des responsabilités, c'est de sortir l'Europe de l'impasse dans laquelle elle se trouve. Le continent est désespérément dépendant des Big Tech américaines, même pour les infrastructures numériques les plus élémentaires. Si cette administration américaine, ou la suivante, décide d'utiliser à nouveau son pouvoir de sanction, l'Europe se trouve dans un véritable pétrin. Et avec les actions entreprises contre la CPI à Haag, l'Europe serait négligente d'ignorer la menace.
« Le Danemark encore plus. Ce n'est un secret pour personne que les tensions entre le Danemark et les États-Unis sont à un niveau historique. Trump ne cesse de répéter qu'il souhaite s'emparer du Groenland par tous les moyens possibles. Les services de renseignement américains ont reçu l'ordre d'intensifier leur espionnage du Danemark et du Groenland. Naturellement, les Danois sont effrayés. Ils ont raison de l'être !
« Quoi qu'il arrive avec le Groenland, les négociations commerciales ou les désaccords géopolitiques, l'Europe aurait tout intérêt à devenir numériquement souveraine. Cela ne signifie pas qu'il faille se couper de toute technologie américaine, mais cela signifie qu'il faut rejeter tous les services qui peuvent être désactivés à partir de Washington. En ce qui concerne Microsoft, cela signifie qu'il n'y aura plus de Microsoft 365, plus de Teams, plus d'Azure ».
La quête de souveraineté numérique et de maîtrise technologique fait partie des raisons qui justifient le lancement de ces initiatives d’abandon des solutions Microsoft pour le libre et l’open source
Au cœur de cette transition se trouve une ambition profonde de « souveraineté numérique ». Le Danemark, à l'unisson avec une tendance grandissante au sein de l'Union européenne, cherche à s'émanciper d'une dépendance jugée excessive envers les fournisseurs de technologie étrangers, et en particulier ceux basés aux États-Unis. Cette démarche n'est pas uniquement symbolique ; elle répond à des préoccupations concrètes concernant le contrôle et la gestion des données européennes. Qui détient les clefs de nos infrastructures numériques ? Qui définit les règles d'accès et d'utilisation de nos données ? Et qui pourrait potentiellement restreindre l'accès à des services essentiels en cas de tensions géopolitiques ? Telles sont les questions fondamentales auxquelles le Danemark et l'UE cherchent à apporter des réponses concrètes.
En adoptant des solutions open source, le Danemark vise à reprendre la pleine maîtrise de son écosystème numérique. LibreOffice et Linux, par leur nature ouverte, offrent une transparence et une capacité d'audit accrues, permettant aux entités publiques de comprendre précisément le fonctionnement de leurs outils, d'adapter le code à leurs besoins spécifiques et de s'affranchir des logiques propriétaires.
Les motifs économiques ne sont pas en reste
Au-delà des considérations de souveraineté, l'aspect économique joue un rôle prépondérant dans cette décision. Les coûts liés à l'utilisation des logiciels Microsoft ont connu une augmentation significative ces dernières années pour la ville de Copenhague. Le passage à des alternatives open source représente une opportunité substantielle de réaliser des économies budgétaires à grande échelle. Ces économies peuvent ensuite être réinvesties dans le développement local de compétences numériques, l'innovation open source ou d'autres priorités publiques.
De surcroît, la fin prochaine du support officiel de Windows 10, prévue pour octobre, pose un défi financier et logistique considérable. Maintenir un parc informatique sous un système d'exploitation non supporté nécessite soit des mises à niveau coûteuses vers Windows 11, soit l'acquisition de contrats de support étendus, également onéreux. En migrant vers Linux, le Danemark évite cet investissement contraint, optant pour une plateforme dont la maintenance et les mises à jour sont souvent moins coûteuses et plus flexibles dans le cadre de l'open source.
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